Article 1 sur un total de 3 pour la série :

Le hasard et l’évolution ♥♥♥


 

Pascal Touzet, par cette série, veut partager quelques réflexions à propos du hasard, principe bien souvent caricaturé dans les débats philosophiques autour de l’évolution.
Docteur en Génétique, Pascal est enseignant-chercheur dans un laboratoire d’Ecologie et d’Evolution à l’université de Lille.
Il est l’auteur de Création et évolution. De la confrontation au dialogue édité par Croire et vivre.

—————————–

Introduction

MonkeyL’idée de hasard fait partie de notre quotidien. Les jeux de hasard sont populaires d’autant plus s’ils sont promesses (peu probables d’ailleurs !) d’une jolie cagnotte à la clé ! Plus généralement l’idée de hasard est associée à celle de chance ou d’aléatoire, quand un évènement se produit sans que quiconque en ait le contrôle ou indépendamment du  mérite ou du travail de celui qui en bénéficie. On utilise aussi les adjectif  hasardeux ou aléatoire quand l’issue par exemple d’une négociation est imprévisible : soit parce qu’on ne connait pas les intentions de chacune des parties, soit qu’au moins une des parties est connue pour être lunatique et avoir donc des réactions erratiques. Enfin, on parle d’évènement fortuit  ou de coïncidence,  quand par exemple j’entends à la radio une chanson  qui m’encourage à aller de l’avant au moment même où je suis en train de réfléchir à mon avenir et à la meilleure décision à prendre…une coïncidence que je pourrais interpréter comme un signe….

Un seul mot, le hasard, est donc associé à une diversité de situations et de phénomènes.

Il en va de même pour la théorie de l’évolution pour laquelle le hasard est  une notion clé. Cette notion est en effet ambigüe car elle peut signifier différents phénomènes et processus mais aussi reposer sur différents présupposés métaphysiques et philosophiques. Ainsi a-t-on pu parler par exemple de l’évolution comme un processus aveugle, sans direction.

 

Je propose dans ce premier billet de définir plus précisément ce qu’on entend par hasard. Nous regarderons ensuite dans un second billet comment ces notions sont utilisées  dans les sciences de l’évolution. Enfin dans les billets suivants, nous regarderons plus en détails les phénomènes biologiques impliqués, et réfléchirons sur les conséquences philosophiques ou théologiques qu’a le hasard  sur  notre compréhension du fonctionnement de la Nature, et plus particulièrement en tant que croyant de l’action de Dieu dans le monde.

 

Définitions

Si la notion de hasard est ambiguë, on peut néanmoins dans un premier temps  classer le hasard en deux catégories : le hasard dit subjectif et le hasard dit  objectif.

 

Le hasard subjectif

singe3z

Le hasard subjectif suggère que l’idée de hasard résulte de notre compréhension incomplète  d’un phénomène que nous allons considérer comme aléatoire, comme fruit du hasard.  Le hasard n’est donc pas un fonctionnement inhérent au système étudié. Il est considéré comme subjectif car c’est moi qui en tant que sujet observateur  conclut  qu’il y a hasard. Dit autrement, le hasard n’existe pas, il n’est qu’une approximation que nous faisons pour rendre compte d’un phénomène dont nous ne connaissons pas toutes les  causes. Et donc si je suis capable de connaître tous les facteurs, toutes les causes qui conduisent à un phénomène donné, il n’y plus de hasard, seulement la complexité d’un phénomène que j’ai réussi à dénouer.

 

Le hasard objectif

Au contraire,  l’idée de hasard objectif  considère que le hasard est une propriété inhérente à la structure du monde réel et qu’elle ne dépend pas de la connaissance que nous en avons. Un hasard objectif peut revêtir différentes réalités :

Monkey1. On considère qu’un phénomène est le fruit d’un hasard objectif quand il n’est pas le produit d’une cause intentionnelle, quand il y a absence de dessein. Ainsi le résultat d’un lancé de dé n’est pas le produit d’une intentionnalité quelconque, elle ne dépend que des caractéristiques du dé, qui s’il n’est pas pipé  a 1 chance sur 6 de donner un six.

2. Le hasard objectif peut être la rencontre fortuite de deux événements  indépendants. C’est ce qu’on appelle  dans le langage commun une  coïncidence. Notez que   pour que ce hasard existe, il faut qu’il y ait possibilité d’indépendance, c’est à dire que tout ne soit pas strictement connecté, que finalement l’univers ou la réalité soit constituée de « poches » de liberté. Ainsi on peut considérer comme du hasard, la rencontre fortuite à un feu rouge de personnes qui ne se sont pas vues depuis longtemps,  qui vivent donc  de manière totalement indépendante (la vie de l’une n’influe pas sur la vie de l’autre),  et qui se trouvent à cet endroit précis pour des raisons totalement différentes.

3. Lorsqu’un système  est sensible aux conditions initiales,  alors la moindre variation des conditions initiales peut avoir des effets importants  et conduire à des trajectoires dans le futur très différentes et  imprévisibles. Le hasard ici revêt cette idée d’imprévisibilité, qui dérive de la théorie du chaos. Cette théorie du chaos  a alimenté bien des romans ou des films de science fiction, en imaginant l’impact sur le futur d’un changement même minime dans le passé.

4. Le hasard « pur» ou « vrai » que l’on retrouve au niveau quantique, de l’infiniment petit.  On parle de hasard « pur »  car on touche ici à la notion la plus extrême du hasard,  à savoir celle d’un phénomène qui est indéterminé, c’est-à-dire quand  l’état d’un système et les lois de la nature ne permettent pas de déterminer de manière certaine  son passé ou son futur. Cette idée renvoie à une idée ancienne du hasard mais a pris pied dans la réalité avec  les découvertes de la physique quantique. En effet il est impossible de déterminer pour un objet quantique (un électron par exemple) sa position et sa quantité de mouvement, selon le principe d’indétermination de Heisenberg.  Néanmoins,  parmi  les physiciens quantiques il y a débat sur la réalité de cet indéterminisme : de nouveau est-il objectif, c’est-à-dire inhérent à la réalité quantique ou est-ce seulement notre incapacité d’en connaître toutes les causes ?  Quoiqu’il en soit, la communauté scientifique s’accorde pour limiter ce hasard pur, si tant est qu’il le soit, à ce niveau quantique (donc de  l’infiniment petit)  et à considérer qu’il ne  « diiffuse «  pas au niveau macroscopique.

 


3 Articles pour la série :

Le hasard et l’évolution ♥♥♥