L’article d’aujourd’hui a été écrit par Randy Isaac. Randy Isaac est un chercheur en physique des solides, il est aussi le directeur exécutif de  l’American Scientific Affiliation (ASA), dont il est membre depuis 1976. L’ASA est une association de plusieurs centaines de scientifiques américains de confession évangélique. En 1977, Randy Isaac a rejoint IBM pour travailler au centre de recherche Thomas J. Watson, et très récemment, il est devenu vice président de la technologie des systèmes et des sciences dans cette entreprise.

Cet article est le premier d’une série adaptée d’un article plus pointu que vous pouvez lire ici en anglais avec les références. Vous pouvez lire l’original en anglais sur le site de la fondation biologos en cliquant ici.

Introduction

La science peut-elle nous offrir un éclairage substantiel concernant la question de l’existence de Dieu ? Au cours de cette série d’articles, nous passerons en revue trois écoles de pensée en ce qui concerne la possibilité de détecter l’existence de Dieu au travers de la science : l’évolutionnisme (philosophique), le créationnisme et l’Intelligent Design (ou « conception intelligente »). Sans apporter de « preuve » au sens formel du terme, ma conclusion sera que la science ne peut vraisemblablement pas nous fournir une conclusion claire concernant l’existence de Dieu. Pourtant, en harmonie avec la révélation de la parole de Dieu, la science nous conduit à une compréhension meilleure et plus profonde de Dieu et de ses œuvres.

L’évolutionnisme (philosophique)

L’essor de la science moderne dans le monde occidental a conduit à une relation mitigée entre la science et la foi chrétienne. D’un côté, le concept judéo-chrétien d’un Dieu unique, créateur de toute chose a été une contribution significative dans l’adoption d’idées scientifiques et dans la méthodologie. D’un autre côté, les nouvelles découvertes scientifiques ont parfois soulevé des questions troublantes. Bien que les différences d’opinions entre Galilée et le pape étaient plus complexes qu’un simple conflit d’ordre scientifique, cette affaire a posé des questions fondamentales en ce qui concerne l’interprétation de la Bible à la lumière de la compréhension scientifique du monde. Moins d’un siècle plus tard, Isaac Newton, René Descartes, Gottfried Leibniz et d’autres développèrent un cadre mathématique très performant permettant la description du mouvement classique des corps dans l’espace et sur la terre. L’invention du calcul et les lois de Newton sur le mouvement ont constitué une percée significative dans la compréhension scientifique mais ont aussi provoqué des questions d’ordre théologique. Comment la providence de Dieu et le libre arbitre de l’homme pouvaient-ils se comprendre à la lumière d’un univers régi par des lois déterministes ?

Au dix neuvième siècle, le débat à propos de la providence divine dans un monde déterministe a continué, mais une discipline majeure en a été exemptée. Les organismes vivants ne semblaient pas soumis aux simples lois de la mécanique classique. Dans son environnement, l’Origine des espèces de Darwin a eu un impact fort. L’idée d’évolution n’était pas nouvelle, mais elle était encore assez marginale en science. Les idées de Darwin n’étaient pas toutes exactes. Sa conception de l’hérédité au travers de la pangenèse est un exemple d’idée fausse. Certaines de ses idées qui se sont révélées correctes, comme le rôle de la sélection naturelle, n’ont pas été acceptées immédiatement. L’onde de choc envoyée par Darwin dans la communauté scientifique était que les organismes vivants pouvaient être étudiés systématiquement et étaient soumis à des lois naturelles analogues au reste du monde, comme par exemple les lois de Newton. Jusqu’à Darwin, les organismes vivants représentaient une échappatoire philosophique possible pour s’affranchir d’une vision mécaniste du monde. Depuis Darwin, on s’attend à ce que la vie elle-même soit ordonnée et sujette à l’étude. Pourtant, la vie n’était pas déterministe. Le caractère aléatoire inhérent aux processus évolutifs l’en prévenait et même au contrôle divin, selon l’opinion de Darwin.

Opposer Darwin à Dieu

Certains « laïcs » de l’époque n’ont pas attendu d’éclaircissements philosophiques. Ils ont saisi leur chance et ont proclamé que la théorie de Darwin de l’évolution constituait le triomphe de la science sur la théologie classique. Pour eux, la frontière ultime de la science pouvait, au moins en principe, préempter les explications théologiques. Pour ces « laïcs » qui aspiraient au statut et à l’autorité du clergé, mais sans le manteau de la religion, il ne fallait pas manquer cette occasion. John Tyndall, John Draper, Herbert Spencer, et Andrew Dixon White, parmi d’autres, ont été de ceux qui ont déclaré acquise la victoire de la science sur la théologie traditionnelle, un sort sellé par la théorie de l’évolution de Darwin. Pour la plupart d’entre eux, comme Thomas Huxley, l’emphase était davantage mis sur l’agnosticisme plutôt que l’athéisme, qui est devenu plus important au vingtième siècle.

John William Draper et Andrew Dixon White ont écrit deux livres qui ont eu une influence considérable dans les décennies qui ont suivi. En 1874, le livre de Draper: History of the Conflict Between Religion and Science (histoire d’un conflit entre la religion et la science), était un ouvrage dont le but était de démontrer que la science et la religion avaient toujours été en conflit. L’ouvrage de White’s A History of the Warfare of Science with Theology in Christendom (1896) (Une histoire du conflit entre la science et la théologie chrétienne) reprenait beaucoup des idées discutées par Draper et approfondit le thème du triomphe de la science sur la théologie dans toutes leurs confrontations. Ces travaux ont eu une influence considérable jusqu’au milieu du vingtième siècle. C’est alors que les historiens ont réalisé que les recherches supposées dans ces livres n’étaient pas tenables. Beaucoup de leurs versions des conflits historiques n’étaient pas soutenues par des recherches indépendantes et leurs récits étaient biaisés dans le but de défendre la théorie du conflit. Récemment, Ron Numbers a édité Galileo Goes to Jail, and Other Myths about Science and Religion (2009) (Galilée va en prison, et autres mythes à propos de la science et de la religion) qui est une série de chapitres rédigés par des historiens qui réfutent systématiquement les mythes dans les travaux de Draper, White, et d’autres. Néanmoins, le mal était fait. Un groupe de « laïcs » très influents et très bruyants a réussi a faire croire que l’évolution constituait l’ultime victoire de la science sur la religion, en étendant sa vision matérialiste du monde à toute forme de vie.

L’une des raisons de leur succès a été le concept de “métaphysique à une seule voix”, que l’historien Mark Noll décrit dans son article Evangelicals, Creation, and Scripture: An Overview. Découlant d’une perspective historique dans laquelle on n’écoute qu’une seule voix, où il n’y a qu’une essence à l’être, et la simplicité d’une unique explication comme dans le rasoir d’Ockham, la perspective de la métaphysique univoque a conduit à la notion qu’il ne pouvait y avoir qu’une explication aux phénomènes naturels. On considérait que les explications théologiques et scientifiques s’excluaient mutuellement. Ainsi, la science pouvait répondre à la question de Dieu par la négative en trouvant une explication naturaliste qui remplaçait l’explication théologique. La théorie de Darwin de l’évolution, bien que loin d’être complète dans les détails, remplissait les attentes d’explications scientifiques de la vie, sans faire appel à Dieu.

Charles Darwin était un naturaliste  fin et observateur. Sa théorie de l’évolution était l’aboutissement d’années d’observation attentive et d’analyse réfléchie. Il était peut-être inévitable que l’idée scientifique d’évolution conduise certains aux concepts philosophiques de l’évolutionnisme. Les observations scientifiques concernant la façon dont les espèces sont en compétition pour la survie et sont adaptées à leurs conditions environnementales se sont rapidement transformées en notions prescriptives à partir du descriptif. L’idéal du progrès comme inhérent à la destinée de l’homme était acceptée avec empressement dans la société, l’évolution scientifique constituant une « preuve ». Hélas, ces idéaux se sont brisés avec les deux guerres mondiales du vingtième siècle. D’autres aspects philosophiques de l’évolutionnisme ont décliné et ont fondu au soleil mais l’un de ceux qui a le mieux perduré était que l’évolution a d’une certaine manière remplacé Dieu dans le grand film de l’origine et du développement de la vie. Jusqu’à ce jour, l’exclusion mutuelle de l’évolution et de la création divine domine la perception populaire du conflit entre la science et la foi.

Conclusion

Cet aspect de l’évolutionnisme est-il garanti ? La question de Dieu a-t-elle été réglée par la négative ? La logique de ceux qui proposent cette réponse ne résiste pas à une analyse attentive. L’action créatrice de Dieu et son soutien de toute chose incluent non seulement les caractéristiques mécanistes des lois de Newton, probabilistes de la mécanique quantique, mais aussi les mécanismes évolutifs. Dieu peut choisir sa façon de créer comme il le désire, et il se peut qu’il le fasse avec des méthodes que nous ne comprenons pas, ou bien qui sont systématiques et accessibles à notre compréhension. Comme nous le constatons avec l’essor de la science moderne, la vision de Dieu qui engendre une cohérence et un ordre du monde naturel est une perspective qui a connu une grande réussite. Les explications scientifiques ne sont pas une alternative au contrôle créateur et constant de Dieu. Le caractère aléatoire inhérent que nous constatons dans la nature ne dément pas la notion de providence. En dépit des affirmations stridentes de certains évolutionnistes de la fin du dix neuvième siècle et de leurs descendants, la science n’a pas répondu par la négative à la question de l’existence de Dieu.

Note: les opinions exprimée dans cet article sont celles de leur auteur et pas de l’American Scientific Affiliation.