Comme nous l’avions récemment indiqué sur notre page Facebook,  un article publié par Science et avenir et repris par d’autres sites et médias a connu une large diffusion dans le monde évangélique. Le titre est plutôt « aguicheur », puisqu’il affirme « que l’élaboration de la Bible serait plus ancienne qu’on le pensait ». Qu’en est-il exactement ?

Pour comprendre de quoi il est question, il est nécessaire de revoir un peu l’histoire de la recherche biblique.

Pendant longtemps, la recherche biblique contemporaine a été dominée par la « théorie documentaire ». Celle-ci postulait que le Pentateuque était composé de quatre sources (Yahviste, Elohiste, Sacerdotale (P) et Deutéronomiste) et plaçait le début de rédaction du Pentateuque au commencement de la monarchie (Xe siècle).

Depuis une trentaine d’années, cette théorie a été largement remise en question, notamment par des gens comme Thomas Römer, qui détient actuellement la chaire « Milieux Bibliques » au Collège de France. Pour résumer les choses très simplement, on peut dire que deux des quatre sources (Yahviste et Elohiste) ont tout simplement disparu et, par conséquent, la date de composition de certains textes a été abaissée de plusieurs siècles. Les partisans de la nouvelle théorie, dite « des fragments », estiment que la composition du Pentateuque date essentiellement de l’exil à Babylone et du retour (« période perse », voire « période grecque »).
Ils pensent en effet que les conditions n’étaient pas réunies pour envisager un début de rédaction à l’époque monarchique. Il existe aussi des chercheurs, comme « l’école de Copenhague », qui ont même envisagé une rédaction du Pentateuque (les cinq premiers livres de la Bible) au cours de l’époque hellénistique (c’est-à-dire entre la conquête  d’Alexandre le Grand et l’arrivée du Pompée, IIIe-Ier siècle av. J.-C.) estimant que la Bible plagiait Platon et divers récits grecs. Cette position encore plus extrême n’a cependant connu qu’un écho très limité dans le monde académique, la plupart des savants se ralliant plutôt à la position précédente. C’est le cas notamment de « l’archéologue Finkelstein » cité dans l’article.
Toutefois, à côté de ces théories, qui reposent essentiellement sur de la spéculation littéraire, d’autres alternatives, défendues plutôt par des historiens, ont aussi été proposées, dont la théorie de la « rédaction scribale », que j’aurai l’occasion de vous présenter dans un autre article.
Cette théorie a la particularité d’envisager un temps d’écriture beaucoup plus long, qui commence effectivement dès l’époque monarchique, voire même, pourquoi pas, un peu avant, durant la période des Juges.

Les découvertes archéologiques mentionnées dans cet article ne font que conforter cette théorie. Si le journal Science et avenir a eu raison d’attirer l’attention du grand public sur ces découvertes, sa présentation est néanmoins quelque peu biaisée, car elle laisse croire qu’un consensus autour des dates tardives (rédaction exilique ou post-exilique) aurait existé au sein de la communauté universitaire, alors que ces datations ne représentent qu’une hypothèse parmi plusieurs théories.

Cette tendance avait déjà été perceptible lors d’un précédent numéro consacré aux religions. Un des articles évoquait l’écriture du Nouveau Testament et présentait les estimations les plus tardives (fin du premier siècle) comme des faits historiques, alors que ces dates, admises effectivement par certains exégètes, sont vivement contestées par les historiens (croyants ou non). En effet, au-delà des croyances, ce débat est avant tout un problème de méthode.

Consultez la page de l’équipe pour en savoir plus sur l’auteur de cet article : https://scienceetfoi.com/presentation-science-et-foi/#david
 
Crédit illustration, inspiré de :  nomadsoul1 / 123RF Banque d’images