Comme il a déjà été écrit sur ce site, nul ne sait si le Big Bang fut vraiment le commencement de l’univers. Il se trouve que le thème revient souvent et qu’au gré de mes conversations science & foi, je tombe très souvent sur deux cas de figures.

 

Il y a tout d’abord l’athée militant. Ce qu’il veut, c’est une science qui a réponse à tous. Il est en effet convaincu que Dieu se réfugie dans les zones d’ombre de la science, si bien que si l’on élimine les zones d’ombre, on élimine Dieu.

Evidemment, l’athée militant n’a pas trop envie d’entendre que l’origine du Big Bang reste un mystère. Il va donc facilement soutenir que la fameuse inflation cosmique résout tous les problèmes techniques, que la théorie des cordes, ou bien la gravité quantique à boucles, sont achevées et donnent la réponse à toutes les questions sur l’origine du Big Bang, etc.

Et re-évidemment, rien ne sert de lui expliquer que l’inflation est très spéculative, que la théorie des cordes ou la gravité quantique à boucles le sont encore plus, et qu’aucun consensus scientifique n’existe en ces matières pour le moment. Son siège est fait : la science a trouvé toutes les réponses, donc pas de Dieu.

 

Et puis il y a le croyant, avec en particulier (mais pas uniquement) l’adepte de « l’argument Kalam » cher à William Lane Craig:

  • Tout ce qui commence à exister a une cause,
  • L’univers a commencé à exister,
  • Donc, l’univers a une cause (Dieu).

On le voit, la deuxième étape du raisonnement suppose que l’univers a eu un commencement. Et là, rebelote, on retombe exactement sur le même type de conversation qu’avec notre ami l’athée militant, mais pour un fin opposée : « J’ai besoin que l’univers ait eu un commencement… donc, la science le dit ». Et tout y passe : le fameux théorème BGV le prouve (même s’il n’est qu’un modèle classique, et pas quantique), les modèles de Big Bounce sont forcément faux, etc. J’aurai mon commencement !

Bref, on se demande bien pourquoi les petits génies du monde entier se cassent la tête, et les dents, sur la cosmologie quantique : les athées militants ainsi que les adeptes de l’argument Kalam ont toutes les réponses !

 

On pourrait épiloguer longuement sur cette situation, mais j’aimerais juste faire quelques remarques :

Tout d’abord, l’ironie des choses est assez évidente. Deux « camps » opposés utilisent le même argument… faux d’un point de vue scientifique.

Non, la « science » actuelle ne sait tout simplement pas si l’univers a eu un commencement ou non. Forcer sa réponse n’a aucun sens, et ne sert finalement qu’à démontrer que l’on ne sait pas du tout de quoi on parle.

Cette manie de vouloir une réponse à tout est extrêmement préjudiciable au débat science & foi. Elle le radicalise gratuitement, puisque chaque camp croit, à tort, avoir en main un argument massue qui devrait abattre l’autre.

Finalement, les croyants devraient se rendre compte que ce genre d’apologétique est en fait une occasion de chute. Je laisse à ce titre le mot de la fin à Augustin, pour une citation qui n’a hélas pas pris une ride en plus de 1600 ans :

 

Le ciel, la terre et les autres éléments, les révolutions, la grandeur et les distancés des astres, les éclipses du soleil et de la lune, le mouvement périodique de l’année et des saisons ; les propriétés des animaux, des plantes et des minéraux, sont l’objet de connaissances précises, qu’on peut acquérir, sans être chrétien, par le raisonnement ou l’expérience. Or, rien ne serait plus honteux, plus déplorable et plus dangereux que la situation d’un chrétien, qui traitant de ces matières, devant les infidèles, comme s’il leur exposait les vérités chrétiennes, débiterait tant d’absurdités, qu’en le voyant avancer des erreurs grosses comme des montagnes, ils pourraient à peine s’empêcher de rire.

Qu’un homme provoque le rire par ses bévues, c’est un petit inconvénient ; le mal est de faire croire aux infidèles que les écrivains sacrés en sont les auteurs, et de leur prêter, au préjudice des âmes dont le salut nous préoccupe, un air d’ignorance grossière et ridicule. Comment en effet, après avoir vu un chrétien se tromper sur des vérités qui leur sont familières, et attribuer à nos saints Livres ses fausses opinions, comment, dis-je, pourraient-ils embrasser, sur l’autorité de ces mêmes livres, les dogmes de la résurrection des corps, de la vie éternelle, du royaume des cieux, quand ils s’imaginent y découvrir des erreurs sur des vérités démontrées par le raisonnement et l’expérience ? On ne saurait dire l’embarras et le chagrin où ces téméraires ergoteurs jettent les chrétiens éclairés.

Sont-ils accusés et presque convaincus de soutenir une opinion fausse, absurde, par des adversaires qui ne reconnaissent pas l’autorité de l’Écriture ? on les voit chercher à s’appuyer sur l’Ecriture même, pour défendre leur assertion aussi présomptueuse que fausse, citer les passages les plus propres, selon eux, à prouver en leur faveur, et se perdre en de vains discours, sans savoir ni ce qu’ils avancent ni les arguments dont ils se servent pour l’établir.

Augustin, De la Genèse au sens littéral, Livre I, 19.39 (an 383)