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La Bible est-elle "exacte" en matière d'histoire?


Les temps ont changé. Les hommes et les femmes du 21ème siècle portent un regard « critique » sur tout ce qui les concerne, en particulier en matière de foi.

Voici une belle analyse de la situation proposée par Tim Keller dans  La raison est pour Dieu (il écrit dans le contexte nord américain.)

« Trois générations plus tôt, la plupart des gens héritaient de leur foi religieuse plus qu’ils ne la choisissaient. Dans leur grande majorité, ils appartenaient à l’une des Eglises protestantes historiques et traditionnelles ou à l’Eglise catholique. Mais aujourd’hui, les Eglises protestantes institutionnelles vieillissent et perdent rapidement leurs membres. Les gens optent à la place soit pour une vie non religieuse, soit pour une spiritualité construite de manière personnelle et non institutionnelle, soit pour l’adhésion à un groupe religieux orthodoxe qui attend de ses membres qu’ils aient vécu l’expérience de la conversion et s’engagent fortement…

Détenir une croyance simplement parce qu’on en a hérité ne suffit plus. Ce n’est qu’en réfléchissant longtemps et sérieusement aux objections faites à votre foi que vous pourrez fournir aux sceptiques -dont vous-même-les raisons pour lesquelles vous croyez, des raisons plausibles et non ridicules ou choquantes. »

Voici ce qu’écrit J.L. Ska dans Les énigmes du passé

« Aujourd’hui le monde est devenu « critique » au sens positif du terme. Cela signifie qu’aucune personne intelligente ne lit la Bible de façon « ingénue » et enfantine. Il n’est plus possible de prendre la Bible« à la lettre », selon une philosophie inspirée de façon plus ou moins consciente du fondamentalisme, sans se couper de ses propres contemporains et surtout du monde qui réfléchit avec rigueur et honnêteté sur la signification de l’existence humaine. »

Les évangéliques du début du 21ème siècle ont clairement hérité d’un passé théologique marqué par la lutte contre le libéralisme et la rationalisation excessive des Ecritures d’un côté, et des attaques scientistes d’athées qui se sont appropriés certaines découvertes de la science, en particulier la théorie de l’évolution d’un autre côté. Pour résister sur les deux fronts simultanément, plusieurs théologiens évangéliques ont conceptualisé de façon très poussée leur vision de l’inspiration dela Bible et surtout les conséquences attendues de cette inspiration. C’est ainsi que la notion d’ « innerance historique » est née, comme je l’ai expliqué dans mon article précédent.

Pourtant, prétendre que la Bible est sans « erreurs historiques » de la Genèse à l’Apocalypse et qu’elle répond aux attentes « modernes » des historiens est une affirmation qui ne peut pas se prouver par la Bible elle-même. C’est une attente qui paraît logique ou  légitime tout au plus, mais qu’il faut confronter aux découvertes bien établies des sciences historiques et archéologiques. Le verdict est sans appel : les onze premiers chapitres de la Genèse ne résistent pas à cette confrontation du point de vue de l’histoire et de la science.

Deux positions opposées peuvent alors être adoptées par les chrétiens : ou bien rejeter en bloc ce qu’on qualifie de « critique biblique », ou bien accepter que des connaissances historiques, textuelles, culturelles, archéologiques nous permettent de cerner davantage le caractère « historique » des passages bibliques.

Les évangéliques ont presque tous opté pour la première solution.

Voici ce qu’écrit Henri Blocher dans son article  l’autorité de l’Ecriture et son interprétation  à propos des connaissances externes à la Bible.

« Les Réformateurs accordaient à l’information extra-biblique un rôle ministériel et non magistériel. Les connaissances externes sont un facteur, et non pas une norme pour l’interprétation. Il faut les considérer comme des connaissances de contexte (contexte de la situation des auteurs humains, contexte de la création de l’auteur divin, le Dieu qui parle). Leur rôle est préparatoire, stimulant, purificateur quant à nos précipitations, et non pas décisif.

Pour cette raison, SI LE CONFLIT PARAIT PERSISTER,LA PRIORITE DEVRA RESTER A L’AUTORITE SCRIPTURAIRE : la parole spéciale du Maître l’emporte sur les conclusions que le disciple tire des œuvres du Maître.

Si les difficultés persistent, surtout d’ordre historique (Darius, Quirinius), elles sont remarquablement rares, et le progrès des sciences comme de l’interprétation scripturaire en a résolu une multitude. » (ma mise en majuscule)

Autrement dit, la Bible a toujours raison en matière d’histoire ou de science.

René Pache n’hésite pas à affirmer que de renoncer à cette façon de voir l’inspiration de la Bible équivaudrait à perdre toute confiance dans les paroles de Jésus et des apôtres.

« Si la critique, par ses découvertes, avait rendu insoutenable la doctrine de l’inspiration plénière, nous ne serions pas seulement forcé d’abandonner « une théorie particulière de l’inspiration » ; nous abandonnerions les apôtres et le Seigneur lui-même (dont c’est le clair enseignement) comme nos maîtres de doctrine et d’exégèse. »L’inspiration et l’autorité de la Bible

Voici par exemple ce qu’a dit Jésus a propos du déluge de Noé, clairement considéré comme universel :

“…en effet, à l’époque qui précéda le déluge, les gens étaient occupés à manger et à boire, à se marier et à marier leurs enfants, jusqu’au jour où Noé entra dans le bateau. Ils ne se doutèrent de rien, jusqu’à ce que vienne le déluge qui les emporta tous. Ce sera la même chose lorsque le Fils de l’homme viendra.” (Matthieu 24:38-39 Sem)

Donc, en tant que chrétien, je dois croire moi aussi en un déluge universel à cause des Paroles de Jésus sur ce point. Je suis bien conscient du caractère particulièrement choquant de mon exemple, et pour plus d’explication, j’invite les lecteurs à aller à la rubrique déluge de ce blog.

Voilà ce qu’écrivait René Pache à propos de la science dans la Bible :

« A propos de faits en relation avec la science, les auteurs bibliques s’exprimaient sans erreur quant aux principes fondamentaux. Par exemple, le récit biblique de la création touche aux domaines suivants : géologie, astronomie, biologie, météorologie, zoologie et physiologie. »

Je vais être très direct : si la conception de l’inspiration de René Pache était la seule acceptable, je serais aujourd’hui un athée convaincu et militant. Cette position est extrêmement dangereuse pour la cohérence de la foi. Elle est tout simplement intenable ! Je suis au contraire convaincu qu’il est tout à fait possible de croire en l’inspiration de la Bible sans en faire un livre de science et d’histoire.

Heureusement, il existe une autre vision des choses soutenue par des chrétiens tout aussi respectueux du caractère sacré de la Bible.Je fais aujourd’hui partie de cette minorité parmi les évangéliques qui acceptent de porter sur le texte un regard « critique » en matière de science et d’histoire. Je préfère la vision des choses de J.L. Ska

« Une lecture correcte de la Bible requiert de prendre une certaine distance, « la distance critique » qui permet de voir les choses dans une juste perspective.La Bible a été écrite il y a longtemps, dans un autre monde, dans une autre culture et pour répondre aux questions de ce monde ancien…C’est après avoir pris cette distance et remis chaque chose dans son propre contexte qu’il devient possible de comprendre ce que veut nous transmettre la Bible.Il faut apprendre à poser les bonnes questions pour avoir les bonnes réponses. Naturellement, après ce travail, chacun pourra « actualiser » le message. Mais penser que la Bible utilise un langage contemporain et que, par exemple, les mots et les images auraient exactement la même signification dansla Bible et dans le langage contemporain serait une dangereuse illusion, et c’est en fait l’illusion du fondamentalisme. Même les manières d’écrire les choses sont différentes et, pour en arriver à notre point le plus important, la façon de concevoir l’ »histoire » et la façon de l’écrire sont aussi différentes. Il faudra sans cesse tenir compte de cette distance temporelle et culturelle dans notre lecture. SEULS CEUX QUI FONT CET EFFORT POURRONT ENSUITE DIALOGUER DE MANIERE FRUCTUEUSE AVEC NOTRE MONDE ET SA MODERNITE. » (Ma mise en majuscule)

Dans un prochain article, j’expliquerai pourquoi une telle démarche fortifie ma foi au lieu de l’amoindrir.


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