Traduction française : Christophe Crussière. Article original par Paul Marston ici.

Sur la question de savoir si quiconque peut vraiment prendre les récits de la Bible sur la création entièrement au sens littéral, il est intéressant de regarder à Henri Morris. Ce fut Henry Morris dont le livre « Le Déluge de la Genèse » ou « Ce monde qui a péri » paru en 1961 aida le premier à étendre au public général évangélique le supposé « littéralisme » ou « lecture au sens propre » du créationnisme de la jeune terre, c’est à dire l’idée que la terre datait juste de quelques milliers d’années et avait été faite en 144 heures littérales. Morris affirmait : les Ecritures, en fait, n’ont pas du tout besoin d’être « interprétées », car Dieu est bien capable de dire exactement ce qu’il veut dire. [2]

Toutefois, dans son livre « Le récit de la Genèse » (1976), nous trouvons qu’il « interprète » en fait pour nous les passages de la création et qu’il croit en réalité que dix points importants ne sont pas littéraux ou au sens propre mais au sens figuré. Ces points sont :

(1)   Les eaux au-dessus de l’étendue du ciel (1:7)

Morris prend cela comme une voûte de vapeur d’eau qui est de la vapeur et pas de l’eau.

(2)   La domination (1:28)

Ces termes sont, dit Morris, « des termes militaires – d’abord conquérir, puis gouverner. Dans le contexte, cependant, il n’y a pas de vrai conflit suggéré».

(3)   Le « jour » (2:4)

Morris donne au mot « jour » dans Genèse 2:4 le sens de « toute la période de la création », c’est-à-dire six jours, même s’il dit ailleurs que le mot ne signifie « jamais » une « période de temps déterminée avec un début et une fin spécifiques » [3]

(4)   La côte (2:21)

Morris insiste sur le fait que la « côte » est vraiment une « côte », mais il insiste sur ses interprétations spirituelles immédiates et ultimes, plus qu’il ne suppose qu’Adam est reparti déhanché après cela.

(5)   « Le jour où vous mangerez … vous mourrez » (2:17)

Morris a insisté bien-sûr sur le fait que le mot « jour » vaut 24 heures à travers tout le passage. Il prend aussi la « mort » prophétisée au sens physique. Il serait donc logique qu’Adam soit mort physiquement dans les 24 heures qui ont suivi son péché. Morris ne croit pas cela, disant qu’Adam « est mort à la fois spirituellement et (en principe) physiquement le jour même où il a désobéi … ». Dire « en principe » n’est pas une compréhension littérale ou au sens propre – le texte ne dit rien à propos de « en principe ».

(6)   Le serpent (3:14)

La malédiction du serpent, Morris la prend pour « plus qu’une référence à l’inimitié physique entre les hommes et les serpents ». Pourquoi fait-il cela quand rien de plus n’est spécifiquement indiqué ?

(7)   La poussière (3:14)

Sur les préférences gastronomiques du serpent, Morris remarque « qu’il ne mangerait pas de la poussière au sens propre bien-sûr … l’expression est principalement une figure imagée de langage ».

(8)   La descendance (3:15)

En référence à la descendance du serpent et à la descendance de la femme, Morris dit que « le terme « descendance » a bien-sûr une connotation biologique, mais que ce n’est pas possible ici au sens strict. Ni Satan, qui est un esprit, ni la femme ne serait capable de produire une véritable descendance ». Pourquoi pas ? Les serpents physiques ont une descendance biologique, de même les femmes. Morris dit que la descendance du serpent, ce sont « ceux qui se mettent consciemment et volontairement en inimitié » avec le peuple de Dieu. C’est une interprétation correcte, mais elle n’est pas du tout littérale ou au sens propre.

(9)   Le sang (4:10)

Morris apparaît ne pas interpréter littéralement Genèse 4:10 : « la voix du sang de ton frère crie jusqu’à moi depuis la terre ». Ailleurs, il ajoute : « le sang des animaux ne pouvait couvrir les péchés qu’au sens figuré, bien-sûr ». 

(10)  Les lieux (2:10, etc.)

Morris ne prend pas le sens simple de l’usage biblique des noms de lieu avant le déluge, mais croit qu’ils ont été « transférés » et réutilisés pour des lieux entièrement différents après le déluge. Alors, si Henry Morris lui-même ne peut pas suivre l’approche prétendument « littérale » de manière consistante, comment quelqu’un d’autre le pourrait-il ?   


[1] Voir aussi John Wenham « Christ et la Bible » (1993)

[2] Morris A :Base Biblique de la Science Moderne: (1984) p. 47.

[3] Morris H M (2ème Ed.) « Le Commencement du Monde » (1977) p. 24;
Morris H M « Base Biblique de la Science Moderne » (1984) p. 127.