Je voudrais ici signaler une connexion intéressante[1] entre le problème des exoplanètes  (voir cet article) et celui du multivers (voir cet article) tous deux récemment abordés dans ces pages.

 

Il y a des choses que les lois de la physique connue déterminent de manière unique, et d’autres pas. Etant données, par exemple, la position initiale et la vitesse d’un objet, les lois en question lui assigne une trajectoire unique. De même, si vous suspendez un poids au bout d’une corde et balancez le tout, la période du mouvement est déterminée de manière unique. L’expérience quotidienne confirme du reste ce que les maths appliquées à ces deux exemples démontrent : les ballons de foot ne tombent pas n’importe où, et le balancement des enfants au parc est suffisamment prévisible pour que les parents qui les poussent récupèrent leurs bambins sains et saufs.

En revanche, ne demandez pas aux équations de Maxwell, qui régissent la lumière, quelle doit être sa longueur d’onde. Elles vous répondront « on s’en fiche ». C’est bien pour cela que l’on a des rayons X, des infra-rouges, du vert, du bleu, du rouge, etc. Les équations ne prescrivent aucune longueur d’onde particulière.

 

 Voyons maintenant le rapport avec les exoplanètes et le multivers.

Dès 1913, Lawrence Joseph Henderson avait déjà remarqué dans son livre The Fitness of the Environment, que la terre est tout de même bien placée pour héberger la vie[2]. Ni trop proche du soleil, ni trop loin, etc. Question : Est-ce juste un coup de chance ou bien les lois de la mécanique céleste imposent des orbites particulières ? La réponse à la deuxième question est « non ». Les lois de Newton imposent que les orbites soient des ellipses, mais rien de plus. Du reste, certaines des planètes du système solaires sont trop proches pour abriter la vie, et d’autres, trop loin. Inutile donc de demander à Newton ce que la terre fait là. Il n’en sait rien.

 

Quid donc, de la première question ? Cet « ajustement fin » des propriétés terrestres en faveur de la vie est-il un formidable coup de chance, la preuve de l’existence d’un designer cosmique ? Les recherches récentes sur les exoplanètes ont apporté une réponse à cette question. Comme il a récemment été expliqué sur ce site, une vingtaine des 3 500 exoplanètes découvertes à ce jour semblent habitables. Et si on en a trouvé 20 aussi facilement, c’est qu’il doit en y avoir des milliards dans l’univers.

Ainsi donc, parmi ces milliards de systèmes planétaires, il existe forcement pas mal de planètes qui réunissent les conditions nécessaires à la vie. La terre est l’une d’elles. Cela ne veut évidemment pas dire que Dieu n’existe pas. Simplement que l’adaptation de la terre pour la vie n’est pas surnaturelle. Vous êtes mouillé(e) quand il pleut, même si les chances de vous toucher en lâchant une goutte d’eau de 1000 mètres sont infimes.

 

Et bien le multivers, c’est un peu la même chose, sauf que c’est pas pareil. Je m’explique :

L’ajustement fin des paramètres de la terre est le pendant de l’ajustement fin des constantes fondamentales qui permettent la vie. Comme l’explique très bien l’article Wikipedia sur le sujet, pas de vie si la lumière va un peu plus vite ou un peu moins vite, si le proton est un peu plus lourd ou un peu moins lourd, idem pour le neutron, etc.

Existe-t-il une raison théorique connue pour laquelle ces constantes ont les valeurs qu’on leur connait ? Non.

Les masses des particules, la vitesse de la lumière, la constante de gravitation etc. sont des paramètres qui entrent dans les équations, et que nous devons mesurer. Les équations elles-mêmes ne leur confèrent aucune valeur particulière. A l’instar des lois de Newton qui n’ordonnent pas à la terre d’être là où elle est, les lois de la mécanique quantique et de la relativité générale ne disent pas pourquoi la lumière bouge à 300 000 km/s.

La question se repose donc : notre univers, pas juste la terre, est-il le fruit d’un formidable coup de chance ou bien la preuve d’un designer cosmique ? Peut-on répondre comme on a répondu un peu plus haut ? C’est qu’ici, il ne suffit pas de trouver un grand nombre de systèmes solaires. Il faut trouver un grand nombre d’univers, ce qui est tout de même plus ambitieux ! Le problème précédent avait besoin de plein de planètes avec des orbites différentes. Nous avons maintenant besoin de plein d’univers avec des constantes fondamentales différentes.

A-t-on des pistes ? Existe-t-il donc d’autres univers ? On se souvient que si l’on remplace « univers » par « planètes », la réponse est « oui ». Mais ici, pour l’univers, nous en sommes pour le moment à une pure réponse de Normand : « p’têt ben ». Le tandem « inflation/théorie des cordes » pourrait accoucher d’autres univers, mais comme l’explique Tom Rudelius dans cet article récemment traduit, les choses sont pour le moment très, très, spéculatives.

 

Il convient ainsi d’être prudent. Et dans les deux sens. Décréter que le multivers existe et explique l’ajustement fin sans le besoin d’un phénoménal coup de chance, est très prématuré. Mais balayer le multivers sous prétexte qu’il est pour le moment tirée par les cheveux, ce serait oublier certains précédents, comme l’exotique antimatière, par exemple, qui surgit elle aussi des équations avant même qu’on ne la détecte[3].

Ernst Strauss raconte qu’Einstein lui confia un jour,

 ce qui m’intéresse vraiment c’est de savoir si Dieu avait le choix dans la création du Monde [4].

On le voit, les pièces du procès s’accumulent sans pour autant nous donner une réponse claire. Pour ma part, la situation ne cesse de me rappeler Esaïe 45.15, que George Lemaitre méditait souvent,

Mais tu es un Dieu qui te caches, Dieu d’Israël, sauveur !

Jésus en revanche, ne s’est pas caché. Et je préfère de loin que ma foi repose sur lui.

 

 


Notes

[1] Je suis loin d’être le premier à remarquer le parallèle. Voir par exemple http://adsabs.harvard.edu/abs/2016JAVSO..44..199T ou bien http://adsabs.harvard.edu/cgi-bin/bib_query?arXiv:1506.08060

[2] Le livre n’est pas traduit en Français. Le texte se trouve ici, libre de droits.

[3] L’équation de Dirac établie en 1928 exige l’existence de l’antimatière. Elle fut découverte en 1932. Ce genre de choses est déjà arrivé au moins 5 autres fois en physique. Voir https://en.wikipedia.org/wiki/Timeline_of_particle_discoveries

[4] “What really interests me is whether God had any choice in the creation of the World.” Cité par Gerald Holton, The Advancement of Science, and it Burdens – Cambridge Press 1986, p.91.

 

 

 

Crédit Illustrations :

http://svs.gsfc.nasa.gov/11443

https://fr.123rf.com/profile_sakkmesterke