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Et le péché originel dans tout ça?


Étude sur le péché (3/3)

 

Résumé/abstract

Comment penser le péché comme puissance qui « domine » « rend captive » l’humanité entière ? La Bible parle d’une étroite solidarité entre son premier représentant, Adam, et le reste de l’humanité. Et des conséquences que le péché du premier Adam eut sur l’ensemble des êtres vivants. Nous proposerons dans cet article de revoir sous un autre angle les deux grandes réponses classiques : d’abord celle d’une conception « naturaliste » du péché, qui voit dans le péché un penchant « naturel », « inné » ou « biologique » vers le mal. Ensuite celle d’une conception « volontariste » du péché qui limiterait le péché à une « œuvre de liberté » individuelle. En prenant appui sur les acquis de la conception « volontariste », nous proposerons une conception du péché comme « grandeur supra-individuelle ». Je présenterai ce concept comme une structure asservissante qui, devenant partie prenante de la culture, rend l’homme captif jusqu’aux limites du serf-arbitre.

 

Introduction

Il est frappant de rencontrer dans la Bible des métaphores sur l’endurcissement du cœur humain vis-à-vis Dieu. Israël y est dépeint comme un peuple au « cou raide » (Dt 9.13), au « cœur de pierre » (Ez 36.26). David, le roi selon le cœur de Dieu, s’exclamera après avoir admis ses torts : « Voici, je suis né dans l’iniquité, et ma mère m’a conçu dans le péché. » (Ps 51.7). L’apôtre Paul, parlant de son ancienne vie, déclare : « nous étions par nature des enfant de colère… » (Éph 2.3). Ces passages semblent indiquer un problème – le péché – qui dépasse la problématique individuelle. Quelle est-elle ? C’est ce sur quoi cet essaie se penchera.

 

Doit-on comprendre par ces métaphores « cœur de pierre », « peuple au cou raide », « enfant de colère » la référence à une quelconque « nature » pécheresse en l’homme ? Ou parlerait-on de l’homme dans son obstination, comme être de « volonté », à vouloir vivre dans la désobéissance ? Dans un contexte collectif et communautaire – le « nous » et le « vous » de ces passages – comment penser l’asservissement de l’homme pécheur « en Adam » (1 Co 15.22) ? Sommes-nous pécheur parce que nous sommes « en Adam » héritier de sa faute historique; ou sommes-nous pécheur « en Adam » du fait que, comme notre représentant, nous avons tous péché (Rom 5.12) ?

 

Surmonter l’opposition nature-volonté ?

Comme vous le voyez, il est facile de s’enliser dans les débats opposants la « nature » et la « volonté ». Cette tension existe dans l’église depuis Augustin et Pélage. Je ne chercherai pas ici à mettre en rang de bataille les deux positions en vue d’une guerre de tranché. Je proposerai plutôt de déplacer le débat en abandonnant la variable de la nature, puisque nous avons déjà été convaincus de quitter définitivement le terrain du « naturalisme » augustinien qui fait de la volonté humaine, à la naissance, un serf-arbitre depuis Adam. Il fait de la volonté mauvaise d’Adam, conséquence de la « chute », une volonté de nature pour tous ses descendants. Or depuis le début de ce blog, nous avons  répété ad nauseam que le péché n’a pas d’essence, qu’il n’est pas une chose, qu’il n’a pas de nature, ne peut imprégner le corps, etc. etc. etc. Voilà pourquoi il nous semble intéressant de faire une trêve sur l’opposition « nature » vs « volonté ». Au terme de cet essaie, nous aurons constaté que cette tension s’est déplacé entre la « volonté » et la « culture »[1].

 

Parenthèse

Vous m’excuserez cette parenthèse dans lequel j’ouvre un peu mon cœur; après tout, c’est le blog du « Big Bad Bruno » ici, ce n’est pas une encyclopédie ! Beaucoup de mes lecteurs sont enclins à délaisser le schème de l’héritage biologique et juridique de la faute d’un Adam historique, mais ils n’ont pas vu dans mes écrits, ou ailleurs, des alternatives crédibles pour résoudre le problème du péché et la solidarité humaine en Adam. En clair, je n’ai pas encore mentionné de solution au problème. C’est ici que que compte proposer quelque chose de concret que mes amis lecteurs pourront évaluer, juger et rejeter au besoin. Sûrement que d’autres « vrais » théologiens ont dû développer des choses semblables, alors je compte sur notre collègue George Daras pour éclairer si c’est le cas! Mais juste avant d’entrer dans le vif du sujet, questionnons-nous sur l’historicité d’Adam.

 

Dé-historiciser Adam

Pour pouvoir définitivement délaisser le pôle de la « nature corrompue » héritée d’Adam (si chère à Augustin), il faut absolument remettre en question la facticité de l’évènement de chute, qui se serait produit quelque part entre le pithécanthrope et les néandertaliens[2], par un premier couple historique appelé Adam et Ève. Tant qu’on spécule à partir d’un évènement soi-disant historique, c’est dur d’abandonner le schème de l’héritage biologique. Il est vraiment difficile d’imaginer qu’à une époque aussi reculée, un premier couple qui invente leurs premiers outils et construisent leur première cabane, ait été doué de perfection et d’une liberté telle qu’ils auraient commis une faute originelle aux conséquences cosmiques, entraînant le reste de la création dans la souffrance et la corruption.  Mais si on évacue l’aspect historique, comment penser la solidarité de l’homme pécheur en Adam ?

Une fausse conception « individuelle »

C’est ici qu’il faut changer notre vision d’Adam et cessez de projeter dans les textes bibliques notre présupposé individualiste. Il apparaît étrange que les hébreux auraient référé à Adam comme à un individu isolé. Il apparaît plus probable que les auteurs hébreux pensaient à Adam davantage comme le « représentant » de l’humanité. Explication: Dans la Genèse, « le peuple entier y est identifié d’une façon ultra réaliste avec son premier ancêtre »[3] Nous voyons par exemple en Genèse 10 que chaque peuple ou groupe ethnique est représenté par une seule famille, un seul ancêtre. La pensée sémitique n’isole jamais l’individu de la communauté. Pensons au peuple d’ « Israël », Israël représentant le peuple élu de la première alliance. Les premiers théologiens avant Augustin « étaient capables de se représenter un singulier collectif, un individu qui vaut un peuple »[4]. Adam est pour les hébreux l’ancêtre éponyme. Il est « à l’ensemble des hommes ce que les patriarches est à l’ensemble de son peuple »[5].

 

En parlant de l’expérience du premier père, c’est l’expérience de chaque humain qui est visée.  Pour la pensée des sémites, Adam, l’ancêtre de tous, permettait de penser l’unité du genre humain, son aspect irréductiblement « collectif »[6], sa solidarité. Penser Adam comme « père »  c’est comme dire : nous sommes tous frères, nous sommes pareils ! Parler d’un premier ancêtre, « C’est là une façon concrète, on dirait visuelle, d’universaliser[7] l’expérience de chaque homme. Même Jésus réfère au premier homme non pas comme individu mais en son sens collectif : « ish » ou « anthropos » (Marc 10. 6-8 et Mat 19.5) qui est la pensée des sémites. Transférons-nous notre conception individualiste dans notre interprétation des textes bibliques ?

 

Pause

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Nous avons beaucoup digressé par rapport à l’intention originaire de cet article. Et pour cause : les idées se bousculent ! Les obstacles nombreux ! Revenons donc à notre idée de base qui était de proposer une alternative pour trouver une façon de comprendre l’humanité comme captive du péché et solidaire « en Adam » le représentant de l’humanité corruptible. Mais cherchons à le faire d’une façon qui se fasse autrement que par la transmission héréditaire du serf-arbitre. Car il faut bien finir par expliquer ce que Paul dit en Romains 5.12 : « Par un seul homme, le péché est entré dans le monde et par le péché, la mort, et ainsi la mort a atteint tous les hommes parce que tous ont péché… ».

 

Adam dans Romains 5

Il est assez simple, dans Romains 5, de ne pas prendre « Adam » au sens d’un nom propre, d’un monsieur très ancien. Paul donne dans le verset 14 la clé d’interprétation du passage : « Adam, lequel est la figure de celui qui devait venir. ». Paul compare Adam à un type de Jésus (gr. tupos), c’est-à-dire une figure symbolique de celui qui devait venir : Christ. Ce n’est pas moi qui dis qu’Adam est une figure symbolique, c’est Paul! Jésus, le « dernier Adam » (1 Co 15.45) est le père d’une nouvelle humanité spirituelle tout comme le « premier Adam » le fut d’une humanité naturelle. Tout le passage fonctionne comme un parallélisme entre « type » et « antitype ». Par Adam le péché entre dans le monde et par lui la mort; par Christ le don gratuit de Dieu est accordé et par lui la vie et la grâce peuvent surabonder. On voit clairement l’intention d’opposer deux types d’humanité : « Car si, par la faute d’un seul… à bien plus forte raison ceux qui… » (v.17). Autre exemple : « Ainsi donc, comme par une seule offense la condamnation a atteint tous les hommes, de même par un seul acte de justice… » (v.18).

 

En 1 Cor 15.45-48, le parallélisme antithétique est encore plus évident : « L’Écriture ne déclare–t–elle pas : Le premier homme, Adam, devint un être vivant, doué de la vie naturelle ? Le dernier Adam est devenu, lui, un être qui, animé par l’Esprit, communique la vie. Mais ce qui vient en premier lieu, ce n’est pas ce qui appartient au règne de l’Esprit, c’est ce qui appartient à l’ordre naturel ; ce qui appartient au règne de l’Esprit vient ensuite. Le premier homme, formé de la poussière du sol, appartient à la terre. Le « second homme » appartient au ciel. Or, tous ceux qui ont été formés de poussière sont semblables à celui qui a été formé de poussière. De même, ceux qui appartiennent au ciel sont semblables à celui qui appartient au ciel. » L’intention n’est pas d’opposer deux individus, mais plutôt deux types d’humanité.

 

Cela n’a pas été une perte de temps de parler de Romains 5.12, puisqu’Augustin, qui est à l’origine de la conception « naturaliste » du péché (nous parlerons une autre fois de Teilhard de Chardin), a trouvé dans ce passage la justification biblique de cette solidarité/culpabilité humaine « en Adam ». (Enfin… on se rapproche du sujet!). La vieille version latin d’Augustin, avec laquelle – c’est bien connu – Augustin interprétait Romains 5.12, contenait : « in quo omnes peccaverunt » qui signifie « en qui nous avons péché », le « en qui »  renvoyant à la personne historique d’Adam. Or la version correcte, admise de tous, dit : « parce que tous ont péché » ou « du fait que tous ont péché ». Elle préserve davantage la responsabilité de chaque individu dans son péché, et atténue la chaîne du péché héréditaire.

 

Le grand Augustin a fait une autre « petite erreur » oserons dire (en se calant bien bas dans le creux du fauteuil…) : celle d’entrer sur le terrain de la gnose en tentant de s’y opposer. Consciemment ou pas, il a incorporé les concepts gnostiques et néo-platoniciens dans son coffre à outil pour conceptualiser la doctrine de la « chute » d’Adam (terme justement gnostique). Il a aussi usé de ces concepts dans sa seconde grande bataille contre Pélage, en disant que si le péché était une « œuvre de liberté », celle-ci (la liberté humaine) était devenue serve, c’est-à-dire mauvaise de nature. Ainsi Augustin a incorporé une « volonté mauvaise de nature » en l’homme, ce qui revient à un semi-gnosticisme, faisant du « mal » une quasi-essence en l’homme !

 

Le péché comme « grandeur supra-naturelle »

Maintenant ! Au lieu de penser la solidarité comme transmission héréditaire, examinons l’idée d’une solidarité comme structure supra-individuelle comparable à la culture qui domine sur les pensées individuelles. C’est chez « l’apprenti-théologien »[8] Paul Ricœur (encore lui… désolé) que j’ai entendu pour la première fois cette idée de péché comme « grandeur supra-naturelle »[9]. Malheureusement, il ne développe pas vraiment son concept. Pour les évangéliques, je crois qu’un parallèle significatif pour comprendre ce concept serait de parler du « monde » : « vous marchiez autrefois selon le train de ce monde » (Ép 2.2). Il est retourné « dans le monde » disons-nous en faisant référence à une structure/culture asservissante. Cette idée de « grandeur supra-individuelle  semble éviter « l’erreur » d’Augustin de « naturaliser » le péché d’un Adam historique transmis aux descendants, tout en gardant l’idée biblique de solidarité universelle « en Adam ».

 

Cette conception pense différemment le règne du péché sur le plan collectif. Le péché ne se limiterait pas à une « œuvre de liberté » en direction de l’autonomie; elle se prolongerait, au plan collectif, en structure de pensée stable qui en vient à faire partie de la « culture ». Celle-ci dominerait alors sur les hommes en les rendant captif dès leur naissance. N’est-ce pas ce que Pierre affirme ici : « Vous savez en effet que ce n’est point par des choses périssables –– argent ou or –– que vous avez étérachetés de la vaine manière de vivre, héritée de vos pères » (1 Pi 1.18).

 

Cette idée du péché comme « grandeur supra-naturelle » dénaturalise le péché, tout en conservant sa porté universaliste (ce que cherchait à faire Augustin contre Pélage). L’homme contracte inévitablement les mauvais schèmes de pensées et les mauvaises habitudes transmis dans les échanges interpersonnelles et communautaires (valeurs, mission, vision), que l’on retrouve chez les individus, les familles et les cultures. La mission de Jésus serait de renouveler l’intelligence par l’Évangile et le Saint-Esprit et de renverser les « faux raisonnements ». Comme le dit Paul : « nous renversons les raisonnements et toute hauteur qui s’élève contre la connaissance de Dieu, et nous amenons toute pensée captive à l’obéissance de Christ. » (2 Co 10.5)

 

Pause

 

Revenons sur la symbolique du « cœur de pierre » (Ez 36.26). Le symbole pointe vers une réalité vrai, mais impossible à prendre au sens littéral ou à définir conceptuellement/rationnellement sans le tuer. La métaphore du « cœur de pierre » correspond à l’image biblique de l’endurcissement; une « dureté de cœur », un « cou raide » signifiant l’obstination dans la façon de penser et de se comporter. Le peuple s’obstinait dans sa mauvaise foi. Il demeurerait rebelle à la volonté de Dieu en cultivant des pensées et des pratiques qui n’honorent pas Dieu. Dieu voulait changer ce cœur en « cœur de chair » pour qu’il devienne humble, malléable, obéissant.

 

Cet endurcissement n’est pas seulement pensé sur le plan individuel, mais aussi collectif. La symbolique du « cœur de pierre » ne renverrait pas à une essence mauvaise – le niveau de la « nature » –  mais au niveau des « pensées » obstinées et endurcies sur les deux plans. Cela renvoie à la volonté, devenue culture, plus qu’à la nature. À défaut d’être héréditaire, le péché atteindrait tous les hommes en ce que les péchés des premiers pères envahissent la culture et se transfèrent aux descendants qui en héritent involontairement. Le péché devient alors une véritable puissance qui domine et asservit.

 

Par exemple : Paul dit en Romains 6.17-18 : « Mais Dieu soit loué ! Si, autrefois, vous étiez les esclaves du péché, vous avez maintenant obéi de tout cœur à l’enseignement fondamental auquel vous avez été soumis. Et, à présent, affranchis du péché, vous êtes devenus esclaves de la justice. » Dans ce passage, être « esclave du péché », c’est être esclave de pratiques injustes. À l’inverse, être juste, c’est « obéir de tout cœur à l’enseignement fondamental à laquelle on s’est soumis (v.17). Ce n’est pas l’essence humaine qui a changé ici, c’est la structure de pensée, le mode de pensée, l’orientation de l’être.

 

Le cœur correspond à quelque chose d’insaisissable; c’est l’être pensant et désirant, l’homme intérieur dans tout ce qui oriente sa vie. Lorsque Dieu dit qu’il va changer le « cœur », il fait référence à sa pensée la plus profonde. D’ailleurs Jésus-Christ lui-même débute son ministère en appelant à une réorientation de l’être en direction du Règne de Dieu. Il appellera le peuple à la repentance « metanoïa » (Marc 1.15) qui signifie un changement (meta, au-delà) de l’intelligence (nous).  La repentance, c’est la réorientation des pensées et des actions par l’Évangile et par le Saint-Esprit, lequel est répandu sur tous ceux qui invoquent le nom de Jésus depuis la Pentecôte (Ac 2.17-21).

 

La loi, le monde, la culture comme structure supra-individuelle

Autre exemple de structure « au-dessus » de l’homme, dans lequel il ne peut sortir de lui-même : «Mais maintenant, libérés du régime de la Loi, morts à ce qui nous gardait prisonniers »… La « Loi » comme « grandeur supra-individuelle ». « Ignorez–vous, frères, –car je parle à des gens qui connaissent la loi, –que la loi exerce son pouvoir sur l’homme aussi longtemps qu’il vit ? » (Rom 7.1). La loi est venue se superposer au péché pour en limiter la portée. Mais ce faisant, elle a fait connaître le péché, a suscité toute sorte de convoitise, et a gardé l’homme comme un prisonnier. Elle est devenue un cadre asservissant pour l’individu. À la limite de l’aliénation comme le dit Jésus en dénonçant les usages abusifs de la loi (Voir Marc 3.1).

 

Pour les amoureux comme moi de la Parole de Dieu, voyons un autre exemple concret en Romains 7.6-8 : « Mais maintenant, libérés du régime de la Loi, morts à ce qui nous gardait prisonniers, nous pouvons servir Dieu d’une manière nouvelle par l’Esprit, et non plus sous le régime périmé de la lettre de la Loi. Que dire maintenant ? La Loi se confond t’elle avec le péché ? Loin de là ! Seulement, s’il n’y avait pas eu la Loi, je n’aurais pas connu le péché, et je n’aurais pas su ce qu’est la convoitise si la Loi n’avait pas dit : Tu ne convoiteras pas. Mais alors le péché, prenant appui sur le commandement, a suscité en moi toutes sortes de désirs mauvais. Car, sans la Loi, le péché est sans vie. ». Fascinant ! Le péché, tout comme la loi, en vient à devenir une structure supra-individuelle qui garde les hommes captifs, en quelque sorte, et pouvant devenir aliénante[10].

 

Conclusion

Je finis cet essai en réalisant que cette idée sera sûrement intrigante pour plusieurs de mes lecteurs. Accepter que le péché se trouve toujours dans « les pensées injustes » induis par le milieu de vie, plutôt que par un penchant « naturel » ou « inné » vers le mal, cela a de quoi opérer un renversement copernicien!

 

Comme le dit Paul : « Or vous, autrefois, vous étiez exclus de la présence de Dieu, vous étiez ses ennemis à cause de vos pensées qui vous amenaient à faire des œuvres mauvaises » (Col 1.21).

Connaître Christ… « Cela consiste à vous débarrasser de votre ancienne manière de vivre, celle de l’homme que vous étiez autrefois, et que les désirs trompeurs mènent à la ruine, à être renouvelés par le changement de ce qui oriente votre pensée, et à vous revêtir de l’homme nouveau, créé conformément à la pensée de Dieu, pour mener la vie juste et sainte que produit la vérité. » (Éphésiens 4.22-24). Nous pensons qu’ainsi nous honorons la conviction augustinienne de la solidarité des hommes pécheurs en Adam, mais en proposant la conception que l’œuvre de liberté de chaque homme s’érige dès le début en « structure supra-individuelle » pour plomber toutes les consciences et affecter leur trajectoire existentielle.

 

En écartant tout naturalisme dans la conception du péché comme d’un penchant « naturel » ou « inné » vers le mal, nous serons peut-être plus sensibles à saisir l’importance de changer les pensées et les mauvaises structures de pensées dans l’église comme dans le monde. Et cela afin de renverser les raisonnements et toute hauteur qui s’élève contre la connaissance de Dieu, et d’amener toute pensée captive à l’obéissance de Christ. (2 Corinthiens 10.5)

 

Bruno Synnott


[1] La lecture de cette note de bas de page est facultative. Je réfléchis philosophiquement à voix haute sur l’idée qu’être homme, c’est déjà transcender la nature. Je pars d’une intuition selon laquelle l’homme, en tant qu’il réalise qu’il est homme, ne fait déjà plus partie de la nature. Bien que marqué par l’involontaire (besoins et instincts encore présents) –  il les apprivoise peu à peu, en quelque sorte, de par sa faculté à réfléchir et s’orienter librement dans l’être. Nous pensons que tous ce que l’homme « fait », ses pensées et des actions, ne sont déjà plus entièrement des œuvres de « nature », mais des œuvre de « volonté ». Et ces œuvres de volonté produisent elle-même un monde de « culture » influençant à son tour les œuvre de volonté. À cause de la liberté, l’homme ne serait plus un être de « nature » à strictement parler. Tout ce qu’il fait est une œuvre de volonté et il créé, au même titre que Dieu, dans le monde de la « culture ».
[2] Selon le théologien évangélique réformé bien reconnu Henri Blocher qui n’hésite pas à faire remonter Adam à 100 000 avant J-C !
[3] Roger Leys (1969), Teilhard de Chardin et le péché original, dans Le Christ cosmique de Teilhard de Chardin, ed du Seuil, Paris, p. 191
[4] Ricoeur (1955), Histoire et Vérité, ed. du Seuil. p.115
[5] Ricoeur (1960), La Symbolique du Mal, Aubier, p.229
[6] Roger Leys (1969), Teilhard de Chardin et le péché original, dans Le Christ cosmique de Teilhard de Chardin, ed du Seuil, Paris, p. 188).
[7] Ricoeur, Penser la création, p.59; fonction universalisante des événements primordiaux
[8] Christian Dupont dans Paul Ricoeur, la foi du philosophe, paru dans Le Christianisme, no 697, 1999
[9] Ricoeur (1969), Le Conflit des Interprétations, ed. du Seuil. p.273

[10] Sans compter que ces structures de pensée pourraient être internalisées à notre insu; faudrait questionner Freud ou Jung.


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