Article 4 sur un total de 7 pour la série :

Discussion à propos de "De la génétique à Dieu" de Francis Collins ♥♥♥


 

Partie 2C/4

Suite de l’article https://scienceetfoi.com/discussion-a-propos-de-de-la-genetique-a-dieu-de-francis-collins-par-marc-fiquet-partie-2b/

Nous terminons la deuxième partie du livre qui  aborde « LES GRANDES QUESTIONS DE L’EXISTENCE HUMAINE » avec le sujet « cœur de métier » de l’auteur sur le déchiffrage du génome humain. Je me suis donc attaché à détailler particulièrement cette partie afin d’en partager le plus fidèlement possible la teneur. Je tiens toutefois à rappeler ici la nécessité pour quiconque s’intéresse de près à ces questions de recourir à l’ouvrage complet afin de profiter pleinement de la pensée et de l’expérience de l’auteur.

Déchiffrer le mode d’emploi de Dieu : les leçons que nous donne le génome humain

Francis Collins aborde ce chapitre en témoignant de ses premières expériences en génétique au début des années 1980.

Il fait remarquer les efforts colossaux qu’il dut entreprendre pendant 18 mois pour identifier un dysfonctionnement d’un gène unique déclenchant la production d’hémoglobine fœtale (protéine particulière permettant d’extraire l’oxygène du sang de la mère pendant la vie du fœtus). Il souligne alors : « je fus extrêmement surpris d’apprendre, trois ans plus tard, que quelques scientifiques visionnaires avaient commencé à discuter de la possibilité de déterminer l’intégralité de la séquence de l’ADN du génome humain, dont la longueur était alors estimée à environ 3 milliards de paires de base. Je me souviens d’avoir pensé que cet objectif ne serait pas atteint de mon vivant. »

Mais devant l’immense espoir qu’offrait un tel outil pour venir à bout de certaines maladies génétiques, le jeune chercheur rejoint le groupe de discussions en cours dans le cadre du projet « génome humain ».

En parallèle, comme dirigeant d’un nouveau laboratoire de recherche, il se lance dans l’inventaire des bases génétiques de certaines maladies telles que la mucoviscidose.

Il faudra plus de 10 ans, 50 millions de dollars et le travail acharné de plus de deux douzaines d’équipes dans le monde entier pour parvenir à identifier qu’ « une rature de trois petites lettres du code de l’ADN dans la région codant pour la protéine d’un gène qui nous était jusqu’alors inconnu, engendrait la maladie de la mucoviscidose chez la majeure partie des patients« .

Le besoin d’un séquençage complet du génome humain se fait cruellement sentir mais le projet à peine lancé déclenche un houleux débat scientifique et économique. Certains furent même partisans de breveter des fragments d’ADN, la vive polémique que déclencha cette idée provoqua la démission du directeur du projet d’alors. C’est ainsi qu’on proposa cette responsabilité à Francis Collins qui nous confie : « en tant que croyant, devais-je entendre cette proposition comme l’un des moments où je serais, d’une manière ou d’une autre, appelé à assumer un rôle de premier plan, au sein d’un projet qui aurait des conséquences profondes sur la compréhension que nous avons de nous-mêmes ? J’avais ici une chance de décrypter le langage de Dieu, langage qui nous permettrait ensuite de déterminer les détails les plus intimes de la façon dont les humains en étaient venus à exister. »

Après avoir accepté cette fonction, le Directeur du projet génome humain nous explique les moments d’euphorie, de grandes frustrations, de tension qu’implique un tel projet public. La concurrence exercée par un laboratoire privé désireux de privatiser une partie du génome, la pression médiatique, ont été autant de défis que dut relever F Collins durant les 13 années qui suivirent, jusqu’à cette annonce faite le 26 juin 2000 à la Maison-Blanche par Bill Clinton lui-même de « l’agencement d’une première ébauche du livre d’instruction de l’homme ».

Il faudra attendre avril 2003 pour que l’ensemble du séquençage du génome soit mis en ligne publiquement avec l’intégralité des données décryptées.

Le scientifique ému peut alors nous confier : « j’ai ressenti un irrésistible sentiment d’admiration en étudiant ce texte qui me faisait l’effet d’être le plus important de tous les textes biologiques. Oui, il est écrit dans une langue que nous comprenons très mal et comprendre ces instructions nous prendra probablement des décennies, sinon des siècles, reste que nous avions traversé un pont à sens unique nous menant droit à un territoire complètement nouveau. »

Les surprises que nous a réservées la première lecture du génome

« L’objectif de ce livre n’est toutefois pas de m’étendre davantage sur cette expérience remarquable mais plutôt de réfléchir à la façon dont la conception moderne de la science peut-être conciliée avec la croyance en Dieu. »

Fort de cette direction, F Collins nous explique l’intérêt de comparer le génome humain à ceux des autres organismes déjà séquencés.

Mais une première surprise s’affiche déjà : alors que les spécialistes attendaient trouver au moins 100 000 gènes pour l’homme, on ne compterait environ que 20 à 25 000 gènes codant pour des protéines, ce qui représente à peine 1,5 % de l’ADN disséminé le long de nos 24 chromosomes !

Le reste étant appelé ADN non codant.

Ce qui étonne d’avantage, c’est que le nombre de gènes présents dans des organismes simples comme le ver ou la mouche sont du même ordre de grandeur (env. 20 000) ce qui fait dire au scientifique :  » notre complexité doit dépendre non du nombre de paquets d’instruction distincts que nous possédons mais de la façon dont ils sont utilisés »

Une autre surprise vient du fait de la très forte similitude en matière d’ADN entre les différents individus de l’espèce humaine, « nous sommes en effet tous identiques à 99,9 % ».

Ceci est propre à notre espèce, pour la plupart des autres, la diversité en matière d’ADN est dix, voire parfois 50 fois plus importante que la nôtre.

Notre espèce possède donc un niveau étonnamment bas de diversité génétique

« Les généticiens des populations […] confirment ces faits et en concluent qu’ils indiqueraient que nous descendons tous d’un groupe de fondateurs pouvant être évalués, approximativement, à 10 000 individus, vivant il y a de cela environ 100 000 à 150 000 ans. Cette information concorde tout à fait avec le registre fossile qui situe l’origine géographique de ces ancêtres fondateurs en Afrique de l’Est »

Il est désormais possible de comparer un fragment de l’ADN humain avec celui d’autres espèces.

Si on compare une région de l’ADN codant un gène, « on trouvera alors presque systématiquement une très grande adéquation entre celle-ci et le génome d’autres mammifères ».

De nombreux gènes présenteront encore cette caractéristique avec les poissons et certains fragments seront même en adéquation avec le génome d’organismes plus simples tels que les drosophiles (petites mouches). Nous retrouvons même certains exemples de similarité jusqu’aux gènes de la levure ou avec ceux des bactéries.

Si nous répétons l’expérience en sélectionnant un peu de l’ADN humain situé entre les gènes (ADN non codant) la probabilité d’observer une séquence similaire dans les génomes d’autres organismes diminuera. Les recherches effectuées à l’aide d’ordinateurs permettent néanmoins d’identifier près de la moitié de ces fragments dans le génome d’autres mammifères et nous découvrons que la quasi-totalité d’entre eux s’aligne parfaitement avec l’ADN d’autres primates non humains.

Voici quelques exemples de similitude avec le génome humain :

« Qu’est-ce que cela signifie ? Cela constitue, à deux niveaux différents, un puissant pilier de la théorie de l’évolution de Darwin, à savoir, de la transmission à partir d’un ancêtre commun et de la sélection naturelle opérant selon des variations aléatoires. »

Il est en effet possible à partir des similarités des différents génomes, de construire un arbre de vie reliant les différentes espèces et dont la ressemblance est tout à fait étonnante avec celui émanant du registre fossile ou des observations anatomiques des formes de vie actuelles.

De plus, on observe dans le génome des mutations de l’ADN qui s’accumulent au fil du temps comme le prévoit la théorie de Darwin.
En observant de plus près ces mutations entre espèces proches ou éloignées, la théorie se confirme encore. Il devient vraiment difficile de justifier au vu de ces observations qu’un ensemble de traces n’apportant pas de fonctions particulières à l’organisme se retrouve dans les espèces d’une même lignée sans avoir recours à la théorie de l’évolution. Pourquoi ces caractéristiques existerait-elle dans le cas de génomes créés séparément et sans lien les uns avec les autres ?

Darwin et l’ADN

Sans connaissance aucune de la génétique, Darwin n’avait pas les moyens de connaitre les mécanismes entrainant les variations qu’il postulait. Nous savons désormais qu’elles sont dues à des mutations  naturelles ayant cours dans l’ADN..

On estime qu’il se produit environ une erreur sur 100 millions de paires de base à chaque nouvelle génération dans le principe de réplication de l’ADN. En héritant d’un génome de chacun de nos parents, nous aurons donc une différence d’environ 60 mutations absentes chez nos géniteurs.

Certaines de ces mutations présentent un léger avantage sélectif pour l’individu et se transmettront donc plus facilement à une descendance ultérieure pour gagner l’ensemble de l’espèce au bout d’une longue période de temps et aboutir à des changement majeurs biologiques.

Ces découvertes permettent aujourd’hui aux scientifiques « de prendre l’évolution sur le fait« .

Il devient de plus en plus difficile de différencier la macroévolution (qui évoquerait des changements importants permettant le passage d’une espèce à une autre) de la microévolution (qui définit les changements progressifs au sein d’une même espèce).

En prenant l’exemple d’un gène identifié chez l’épinoche et responsable de la perte de l’épine dorsale pour l’espèce vivant en eau douce, Francis Collins nous explique que « les changements les plus importants qui ont pour conséquence d’engendrer de nouvelles espèces ne sont, en fait, que le résultat d’une succession de petites étapes. »

Les variations rapides subies par certains virus, bactéries et  parasites sont également une opportunité d’observer l’évolution à l’œuvre « au quotidien ».

Ces variations naturelles se produisant de façon aléatoire dans le génome vont permettre à certains virus ou parasites d’échapper au fil des générations à leur traitement ou à leur vaccin. (c’est le cas pour le paludisme ou le sida).

Et le chercheur de conclure : « Ainsi ne pourrions-nous absolument pas comprendre la biologie ou bien encore la médecine sans le concours de la théorie de l’évolution. »

Qu’est-ce que cela nous apprend à propos de l’évolution humaine ?

« L’étude des génomes conduit inexorablement à la conclusion selon laquelle nous, les humains, partagerions un ancêtre commun avec les autres êtres vivants.. »

Les similarités exposées dans la partie précédente ne permettent pas à elle seule d’en arriver à cette conclusion. Une vision purement créationniste des choses pourrait nous pousser à la conclusion que  » Dieu a utilisé des principes de conception féconds, et les a décliné à l’infini« .

Néanmoins, au regard des observations qui vont suivre, Collins affirme que cette position n’est plus tenable.

Ainsi, en comparant par exemple les génomes de l’homme et de la souris, on remarquera les caractéristiques suivantes :

  • La taille globale des deux génomes et quasi analogue
  • On y retrouve les mêmes gènes codant pour les protéines
  • l’ordre dans laquelle certains gènes se présentent sur les chromosomes de l’homme et de la souris est généralement conservé sur de grands segments d’ADN. Hors il n’existe pas de preuves biologiques que de si grands intervalles doivent être conservés pour assurer le bon fonctionnement des gènes. Cet agencement s’explique mieux au travers un processus évolutif que par un concepteur ayant placé des briques spécifiques avec une sorte de gaspillage pour le génome de chaque espèce.
  • On observe dans les intervalles entre les gènes, des éléments répétitifs anciens, les ERA. Ceux-ci sont des bribes de gènes qui, lors des différentes mutations, se sont dupliqués puis se sont tronqués ou ont été altérés au sein du génome sans en compromettre le bon fonctionnement général. Le fait le plus troublant est que ces fragments d’ADN non codant parfois détériorés se retrouvent aux mêmes emplacements dans le génome de l’homme et de la souris.

Tous ces points, mais particulièrement le dernier, amène le généticien à la conclusion suivante : »le fait que l’on puisse trouver un ERA tronqué précisément aux mêmes emplacements et dans le génome de l’homme et dans celui de la souris est la preuve irréfutable que cette insertion doit avoir lieu chez un ancêtre commun à l’homme et à la souris. […]

Ce type de données récentes ayant trait au génome présente donc un défi démesuré pour ceux qui s’en tiennent à l’idée que toutes les espèces auraient été créées ex nihilo. »

L’auteur s’attache ensuite à nous montrer les ressemblances frappantes entre le génome de l’homme et celui du chimpanzé. Il explique clairement comment les deux chromosomes 2A et 2B du chimpanzé auraient fusionné pour composer le chromosome 2 chez l’espèce humaine.

« La fusion s’étant produite alors que nous évoluions à partir du singe a ici laissé son empreinte ADN. Il est très difficile de comprendre cette observation si nous ne postulons pas l’existence d’un ancêtre commun. »

D’autres détails convaincants sont encore donnés comme par exemple celui du gène FOXP2 qui joue un rôle déterminant dans le développement du langage. Ce gène est resté remarquablement stable chez presque tous les mammifères sauf chez l’homme où il a subi deux changements importants il y a environ une centaine de millier d’années.

Si toutes ces observations semblent donner du crédit à une approche matérialiste athée qui ne décrit l’émergence de l’homme que par un processus évolutif de mutation et par la sélection naturelle, nous devons prendre conscience « que cette approche ne nous apprend cependant rien sur ce que signifie le fait d’être humain. »

Il parait donc important à Francis Collins de souligner :  « d’après moi, la séquence d’ADN seule […] ne sera jamais à même d’expliquer certains des attributs particuliers qui constituent l’apanage des êtres humains, tels que la connaissance de la loi morale ou bien encore la quête universelle de Dieu. Le fait de dessaisir Dieu de la charge d’actes de création particuliers ne veut pas pour autant dire qu’il ne sera pas la source des choses rendant l’humanité spéciale, et de l’univers lui-même. Cela ne contribue qu’à dévoiler sommairement son mode d’action. »

L’évolution, une théorie ou un fait ?

En soulignant tout d’abord qu’il devient quasi-impossible aujourd’hui pour un scientifique travaillant comme lui, dans le milieu de la génétique de ne pas mettre en corrélation les grandes quantités de données issues de l’étude du génome avec les fondements de la théorie de Darwin, l’auteur s’interroge sur la résistance du public aux Etats-Unis envers celle-ci.

Serait-ce en partie du à l’ignorance de certains de la définition du mot théorie ?

Si le premier sens (hypothèse) est bien connu, il ne s’applique pas à la théorie de l’évolution qui répond au second sens : « Les principes fondamentaux sous-tendant une science, un art, etc.. ; la théorie musicale, la théorie des équations »

C’est dans ce sens également que l’on parle de la théorie de la gravité.

Et Collins de rappeler : « Les croyants seraient bien avisés d’examiner précautionneusement le poids écrasant des données scientifiques soutenant le point de vue que tous les êtres vivants – y compris nous – seraient apparentés. »

Avant de poser cette question qui ouvrira sur la troisième partie de son ouvrage : « Mais si la théorie de l’évolution est vraie, reste-il de la place pour Dieu ? […] Maintenant que nous avons exposé d’une part les arguments en faveur de la plausibilité de Dieu, et de l’autre les données scientifiques relatives aux origines de l’univers et de la vie sur notre planète, saurions-nous les assembler en une synthèse joyeuse et harmonieuse ? »

 

Suite au prochain épisode…


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