Auteur de cet article, Pascal Touzet est Pascal Touzetingénieur agronome de l’Institut Agronomique de Paris-Grignon.  Il est aussi docteur en Génétique, Professeur d’Université dans un laboratoire de Génétique Évolutive à l’université de Lille-1.

Ses travaux de recherche concernent plus particulièrement l’étude d’un phénomène assez courant chez les plantes supérieures : l’existence au sein d’une même espèce, de plantes hermaphrodites (produisant des gamètes mâles et femelles) et de plantes ayant perdu la fonction mâle. Plus récemment il s’est aussi intéressé  aux phénomènes de spéciation (émergence de nouvelles espèces) et aux facteurs qui influent sur la diversité des gènes et des génomes.

Pascal Touzet est aussi l’un des fondateurs du site www.scienceetfoi.com associé à ce blog.

Des traces de Néandertal dans le génome d’Homo sapiens

En mai 2010, une équipe internationale coordonnée par Svante Pääbo publie dans la revue Science le premier jet de la séquence du génome nucléaire d’Homo neandertalensis1, notre plus proche cousin. Le séquençage partiel de plusieurs exemplaires de génomes de Néandertals lorsqu’il est comparé à des génomes représentatifs de l’espèce humaine suggère l’existence de croisements possibles même s’ils ont été vraisemblablement très limités et localisés géographiquement. En effet il apparaît plus de proximité génétique et de possible traces d’hybridation dans les populations européennes ou asiatiques, que dans les populations africaines. Ceci suggérerait une possible hybridation qui se serait produite au Moyen-Orient, il y a environ 38 000 ans, avant la migration d’Homo sapiens vers l’Eurasie. Ces phénomènes d’hybridation entre deux espèces proches est assez attendu dans un processus de spéciation  qui ne conduit qu’avec le temps à une étanchéité des espèces.  

Que sait-on de Néandertal ? Les premières formes de Néandertals sont apparues en Europe il y a environ 400 000 ans. Les dernières traces fossiles datent d’environ 30 000 ans. Durant la dernière partie de leur histoire, on retrouve des Néandertals en Europe, en Asie occidentale au Sud de la Sibérie, et jusqu’au Moyen-Orient, où ils auraient migré il y a 80 000 ans. A cette époque, ils sont entrés très vraisemblablement en contact avec les populations d’Homo sapiens existantes. Ils coexisteront aussi avec les hommes modernes en Europe 45 000 ans plus tard. On a retrouvés de nombreux outils dans l’environnement de Néandertal ainsi que des fossiles dans une posture et des lieux suggérant que les Néandertals inhumaient leurs morts. Il semble donc que l’accomplissement de rites autour de la mort n’est pas spécifique de l’homme moderne. Si ces rites sont associés à un sentiment religieux, cela indiquerait-t-il une certaine conscience du divin chez Néandertal, qu’il partagerait avec l’homme moderne? Peut-on imaginer que cette forme de sentiment religieux partagée par ces deux espèces proches, aurait conservé un caractère primitif chez Néandertal, plus proche d’un instinct animal « sophistiqué », lié à sa capacité cognitive développée mais néanmoins privée de libre arbitre?  

Ces découvertes bouleversent peut-être notre conception de l’homme créé à l’image de Dieu, de cet homme « adamique », et de sa place et sa spécificité dans le règne animal et plus particulièrement dans la lignée des hominidés. Et qu’il y ait eu ou non croisement entre Homo sapiens et Homo neanderthalensis, et que nous ayons hérité ou  non de gènes de Néandertal, il n’en reste pas moins que nous descendons d’un ancêtre commun qui a vécu il y a  500 000 ans. Que nous le voulions ou non, nous sommes héritiers d’une longue ascendance, qui nous ancre définitivement dans l’histoire du vivant, depuis la première cellule, il y a 3,5 milliards d’années.

Est-ce que la dignité de l’homme en est réduite ? Est-ce que le message de l’Evangile qui clame que nous sommes aimés de Dieu en est amoindri ? A défaut de savoir comment ou pourquoi, il me reste l’assurance, que Dieu m’a choisi dans Sa grâce, et que je suis bénéficiaire d’une élection qui s’est produite à différents moment de l’histoire de la vie, comme celle de la lignée d’Homo sapiens parmi les autres lignées d’Homo

1  Green et al. (2010) A draft sequence of the Neandertal genome. Science 328, 710-722.