Article 3 sur un total de 5 pour la série :

Adam et Eve ont-ils existé? Réponse aux arguments évangéliques


Georges Daras est « titulaire d’un master en théologie, chrétien de sensibilité protestante, et habite Bruxelles. »

Son blog  » exégèse et théologie a pour but principal d’ouvrir une fenêtre sur des questions exégétiques, historiques et théologiques, relatives au monde biblique. .. »

A la lecture de plusieurs articles, on découvre que Georges Daras n’est pas un « évangélique traditionnel », et ne se qualifie pas d’évangélique d’ailleurs, mais que son parcours l’a amené à pousser la réflexion dans des domaines qui touchent de près les lecteurs de ce blog.

Je livre donc à votre réflexion cet article que Georges Daras a accepté de publier sur ce blog, espace où des arguments contradictoires peuvent s’exprimer. Ses propos n’engagent que lui et sont le témoins des débats théologiques et bibliques qui animent le monde protestant à propos des origines de l’homme.

Cet article est la suite des deux premiers volets: 1 et 2

  • « Étape 3: La critique de Blocher contre la lecture non historicisante est ferme: “à péché historique, rédemption historique. […] Les deux fois il a dû s’agir d’un acte réel, sinon le second Adam n’aurait pas pu réparer l’oeuvre du premier.” (Révélation, p. 166) À mon avis, l’erreur de Blocher est de ne concevoir l’historicité que dans le sens étroit d’historicité du récit de la Genèse. Le récit n’aurait de sens qu’en rapport au fait réel qu’il rapporte. Là aussi, c’est réduire la notion de réalité à celle de réalité du récit de la Genèse. Or, j’ai montré que le péché et la faute peuvent être historiques et réels, non en raison d’une soi-disant correspondance entre le récit et des faits, mais en référence à l’expérience de “l’auteur”, de la communauté de foi, qui exprime cette expérience sous la forme de récit narratif, récit qui raconte une histoire mais qui n’est pas de l’histoire (on pourrait parler avec Robert Alter de “fiction historicisée”). Il s’ensuit que, si l’historicité et la réalité du péché et de la faute sont maintenues — bien qu’autrement que ne le fait Blocher, on l’a vu— alors le lien avec la rédemption en Jésus-Christ peut être fait sans problème. Et je peux même souscrire à l’affirmation de Blocher: “à péché historique, rédemption historique”!

L’absence du péché adamique comme cause ou explication de l’Incarnation dans le kérygme primitif et les évangiles, n’est-il pas l’indice que la conscience et l’expérience communes du péché sont bien plus déterminantes que la référence “doctrinale”, voire “structurelle”, au péché d’Adam? Le kérygme ne dit-t-il pas que “Christ est mort pournos péchés” (1 Co 15.3), qu’il a été “livré pour nos fautes”, qu’il est ressuscité “pour notre justification” (Rm 4.25)? Certes, il s’est trouvé un théologien génial nommé Paul qui a poussé la réflexion sur le sujet, mais n’est-il pas quelque peu abusif d’en déduire que Genèse 3 est historique, et en faire à cette stricte condition le fondement de l’Incarnation?

***

Je pense par ces trois étapes avoir répondu au problème, souvent utilisé comme argument en faveur de l’historicité d’Adam. Cela étant fait, il est néanmoins nécessaire d’apporter une précision:

Pour moi, il est clair que ce dont parle le récit de la Genèse et ce dont s’occupent les sciences de la nature recouvrent deux domaines séparés, deux plans distincts de connaissance. Certes, il peut y avoir des tensions entre les deux domaines, comme il en existe aussi avec l’histoire et l’archéologie. Quand je parle de tension, c’est dans le coeur du croyant qu’elle se passe, il ne s’agit pas d’un antagonisme entre la Bible et les sciences. Par contre, la conception évangélique de l’inspiration implique cet antagonisme (8) d’où il est évident que la Bible sort victorieuse. C’est pourquoi certains évangéliques supposent chez ceux qui n’admettent pas l’historicité des récits de la Genèse une posture évolutionniste. Ils s’imaginent parfois que c’est sous le coup des pressions de la culture ambiante et des théories scientifiques à la mode, que des chrétiens échangent la folie de Dieu contre la sagesse des hommes.(9)

Les limites humaines et l’humilité de la foi — que partageaient les auteurs bibliques — nous incitent à confesser notre ignorance (10) sur certains sujets, notamment ce qui touche aux origines de l’humanité, au quand et au comment de la première faute. Pour conclure, je citerais cette sage parole de Jean-Michel Maldamé: “La théologie ne répond pas à la quête du premier homo sapiens. Elle a mieux à faire: étudier la relation de l’homme et de Dieu.” (Le péché, p. 328)

Notes

8. D’où découlent aussi les faux débats du type “création vs évolution”, “jours de 24h vs longues périodes géologiques”, “déluge local vs déluge universel”, mais aussi des questions que seuls des fondamentalistes peuvent se poser en des termes matériels: comment tous les animaux ont-ils pu rentrer dans l’arche?; la Bible parle-t-elle des dinosaures?; etc. Précisons qu’il ne s’agit pas de se taire sur les sujets sérieux en rapport avec les sciences. Au contraire! C’est l’approche qui en est faite que je critique.

9.  Il faut bien sûr regretter et dénoncer toute dérive scientiste qui imposerait au texte son propre magistère. Il serait abusif de prétendre aujourd’hui que, avec le recul par rapport aux conflits du passé (notamment avec Charles Darwin), l’évolutionnisme est la raison inavouée qui pousse les exégètes non évangéliques à rejeter l’historicité des premiers chapitres de la Genèse. La Bible aux exégètes et l’homo sapiens aux scientifiques!

10. Mes lectures m’ont appris que les évangéliques ne confessent leur ignorance qu’à condition que la doctrine de l’inerrance soit saine et sauve. Voir mon article “L’ignorance dans les limites de la simple inerrance“. »

 

A suivre…



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