Article 47 sur un total de 48 pour la série :

L'évolution expliquée ♥♥♥


 

Dans le billet précédent, nous nous sommes attaqués à l’objection théologique qui est faite à l’encontre de la création évolutive – l’idée (erronée) que l’évolution est un processus stochastique (c’est à dire non déterministe, ou aléatoire). Comme nous l’avons vu, les processus stochastiques sont souvent hautement prévisibles, et peuvent être le moyen d’obtenir un résultat pré-défini, même si le chemin pour y arriver n’est pas pré-déterminé.

 

Une deuxième objection qui est souvent faite envers la création évolutive est qu’une origine évolutive de l’humanité remet en cause d’une certaine manière le fait d’avoir été créé à l’image de Dieu. Dans certains cas, l’objection repose sur le verbe créer ; dans d’autres cas, sur la nature de l’image – l’Imago Dei. Nous allons aborder ces questions l’une après l’autre.

 

Création et origines

Un des défis dans cette conversation est le fait qu’en tant que chrétiens occidentaux du 21ème siècle, quand il est question de l’action de Dieu, nous interprétons les mots « créé » et « création » d’une certaine manière. Nous en déplaise, nous sommes le produit des Lumières et nous vivons dans une culture imprégnée de science. De sorte qu’intuitivement nous nous attendons à ce que la Genèse réponde aux questions que notre culture pose sur l’histoire de la création – d’où vient le monde, la matière ? Comment et quand ont-ils été faits , etc… Lorsque nous discutons sur l’idée de Dieu créant quelque chose, nous pensons à une création à partir de rien – la doctrine chrétienne de la création ex nihilo. Pour nous, la création est soudaine, surnaturelle, et dramatique – en référence à la production instantanée d’une matière non-préexistante. Par conséquent, nous pensons que les auditeurs originels de ce récit de la Genèse pensaient eux aussi à ces questions en ces termes.

Ce qui est intéressant de noter c’est que le mot créer et tous les termes qui en sont dérivés peuvent avoir différents sens, même en français, et ne pas seulement signifier produire de la matière à partir de rien. Regardons par exemples les phrases suivantes :

  • Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre.
  • Van Gogh est un artiste reconnu pour son génie créatif.
  • En tant que chrétiens, nous sommes appelés à être les intendants de la création de Dieu.
  • Le gouvernement a créé un comité pour faire face à la crise budgétaire.

 

Remarquez ce que l’on entend quand on parle de création quand il s’agit de Dieu (et inconsciemment une création ex nihilo) et quand il s’agit de l’activité créatrice humaine. Ainsi pour les humains, créer peut correspondre à des choses très différentes ; aucune n’implique la production de matière à partir de rien. En fait il s’avère que la Bible montre qu’en Hébreux aussi, la notion de création est très large. Ainsi des savants comme John Walton argumentent que Genèse 1 n’est pas une narration sur les origines, mais plutôt une narration qui fait un focus typique du Proche Orient ancien – comment Dieu a ordonné le travail de ses mains en un système fonctionnel et cohérent au bénéfice de l’humanité. En d’autres termes, il est tout à fait possible que l’église occidentale ait fait une erreur de lecture de la Genèse depuis longtemps, en la lisant comme un auditoire occidental et scientifiquement cultivé, alors qu’en fait le livre de la Genèse a été écrit pour un auditoire pré-scientifique et non occidental. Ainsi, comme l’argumente Walton, si l’Ecriture n’est pas concernée par la question des origines, comme par exemple l’évolution biologique, alors tout rapport scientifique sur les origine ne peut être en conflit avec l’Ecriture, et donc ne doit être évalué que sur la base de sa qualité scientifique. Les propos de Walton ne peuvent être résumées si brièvement, et je vous renvoie à son livre «The Lost World of Genesis One: Ancient Cosmology and the Origins Debate (IVP, 2009)

 

Evolution et Imago Dei

Un des défis quand il s’agit de mettre en relation l’évolution et la doctrine des humains créés à l’image de Dieu, est qu’il n’y a pas une opinion uniforme de ce que constitue l’Imago Dei dans le christianisme: est-ce notre capacité à raisonner ? Notre ressemblance physique ? D’autres attributs qui nous distinguent des animaux ? Ou, comme certains l’ont proposé, dans cet appel que Dieu nous fait d’entrer en relation avec Lui et d’être des intendants de la création ? Malgré cette diversité d’opinions, aucune n’est incompatible à une création évolutive, si l’on considère la création comme un processus temporel et non comme une création ex nihilo instantanée.

 

Pour certains, néanmoins, la question est de savoir si cette image a été accordée à certains individus, graduellement au cours des générations ou instantanément. Pour ceux qui privilégient l’idée d’attributs particuliers caractérisant l’Imago Dei, on peut observer dans les archives archéologiques que ce que nous considérons comme étant des caractéristiques qui font le propre de l’humain (la capacité de raisonner, l’expression artistique, le langage parlé, etc..) ont été acquises progressivement, sur des milliers d’années. Pour ceux qui favorisent l’idée de relation à Dieu et de responsabilité comme constituants de l’image de Dieu, on peut tout aussi bien imaginer la voir apparaître graduellement ou au contraire de manière soudaine par une révélation spécifique. Dans ce cas, la science n’est pas d’une grande aide – la biologie peut nous indiquer certains caractères qui nous distinguent des autres animaux, et comment ils ont évolué graduellement. Quant on en vient à définir exactement ce qui constitue l’image elle-même – quand et comment les hommes l’ont reçu – nous arrivons à une question théologique et non scientifique.

 

Hors nous trouvons une réponse théologique dans La Genèse : les humains sont faits à l’image de Dieu, et nous le sommes car Dieu l’a voulu. En tant que modernes, nous voudrions connaître les réponses à nos questions scientifiques quoi, quand et comment. Peut-être que la meilleure réponse est celle que Dieu nous a déjà donnée : de quelle image nous sommes faits : la sienne. Et nous voyons en Jésus ce qu’est d’être un vrai humain, le reflet de notre Père céleste pour un monde perdu et souffrant.

 

Dans le dernier billet de cette série, nous nous attaquerons à la question épineuse de l’unité chrétienne quand il s’agit d’embrasser la notion de création évolutive.


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